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misères, de ma tristesse, de mon silence et de mon absence obstinée. Je suis un hôte trop sombre pour vous, il
est temps que cela finisse. Ecoutez bien ceci.
J'ai dix-huit ans aujourd'hui. Si l'âme ne se développe, comme je le crois, et ne peut étendre ses ailes
qu'après que nos yeux ont vu pendant quatorze ans la lumière du soleil ; si, comme je l'ai éprouvé, la
mémoire ne commence qu'après quatorze années à ouvrir ses tables et à en suivre les registres toujours
incomplets, je puis dire que mon âme n'a que quatre ans encore depuis qu'elle se connaît, depuis qu'elle agit
au-dehors, depuis qu'elle a pris son vol. Dès le jour où elle a commencé de fendre l'air du front et de l'aile,
elle ne s'est pas posée à terre une fois ; si elle s'y abat, ce sera pour y mourir, je le sais. Jamais le sommeil
des nuits n'a été une interruption au mouvement de ma pensée ; seulement je la sentais flotter et s'égarer dans
le tâtonnement aveugle du rêve, mais toujours les ailes déployées, toujours le cou tendu, toujours l'oeil ouvert
dans les ténèbres, toujours élancée vers le but où l'entraînait un mystérieux désir. Aujourd'hui la fatigue
accable mon âme, et elle est semblable à celles dont il est dit dans le Livre saint : Les âmes blessées
pousseront leurs cris vers le ciel.
Pourquoi ai-je été créé tel que je suis ? J'ai fait ce que j'ai dû faire, et les hommes m'ont repoussé
comme un ennemi. Si dans la foule il n'y a pas place pour moi, je m'en irai.
Voici maintenant ce que j'ai à vous dire :
On trouvera dans ma chambre, au chevet de mon lit, des papiers et des parchemins confusément
entassés. Ils ont l'air vieux, et ils sont jeunes : la poussière qui les couvre est factice ; c'est moi qui suis le
Poète de ces poèmes ; le moine Rowley, c'est moi. J'ai soufflé sur sa cendre ; j'ai reconstruit son squelette ;
je l'ai revêtu de chair ; je l'ai ranimé ; je lui ai passé sa robe de prêtre ; il a joint les mains et il a chanté.
Il a chanté comme Ossian. Il a chanté la Bataille d'Hastings, la tragédie d'Ella, la ballade de Charité,
avec laquelle vous endormiez vos enfants ; celle de Sir William Canynge qui vous a tant plu ; la tragédie de
Goddwyn, le Tournoi et les vieilles Eglogues du temps de Henri II.
Ce qu'il m'a fallu de travaux durant quatre ans pour arriver à parler ce langage du quinzième siècle, dont
le moine Rowley est supposé se servir pour traduire le moine Turgot et ses poèmes composés au dixième
siècle, eût rempli les quatre-vingts années de ce moine imaginaire. J'ai fait de ma chambre la cellule d'un
cloître ; j'ai béni et sanctifié ma vie et ma pensée ; j'ai raccourci ma vue et j'ai éteint devant mes yeux les
lumières de notre âge ; j'ai fait mon coeur plus simple et l'ai baigné dans le bénitier de la foi catholique ; je
me suis appris le parler enfantin du vieux temps ; j'ai écrit, comme le roi Harold au duc Guillaume, en
XV. Une lettre anglaise 35
Les consultations du docteur Noir ; Stello : première consultation ; Daphné : seconde consultation du docteur Noir
demi-saxon et demi-franc, et ensuite j'ai placé ma Muse religieuse dans sa châsse comme une sainte.
"Parmi ceux qui l'ont vue, quelques-uns ont prié devant elle et ont passé outre ; beaucoup d'autres ont
ri ; un grand nombre m'a injurié ; tous m'ont foulé aux pieds. J'espérais que l'illusion de ce nom supposé ne
serait qu'un voile pour moi ; je sens qu'elle m'est un linceul.
O ma belle amie, sage et douce hospitalière qui m'avez recueilli ! croirez-vous que je n'ai pu réussir à
renverser la fantôme de Rowley que j'avais créé de mes mains ? Cette statue de pierre est tombée sur moi et
m'a tué ; savez-vous comment ?
O douce et simple Kitty Bell ! savez-vous qu'il existe une race d'hommes au coeur sec et à l'oeil
microscopique, armée de pinces et de griffes ? Cette fourmilière se presse, se roule, se rue sur le moindre de
tous les livres, le ronge, le perce, le lacère, le traverse plus vite et plus profondément que le ver ennemi des
bibliothèques. Nulle émotion n'entraîne cette impérissable famille, nulle inspiration ne l'enlève, nulle clarté ne
la réjouit ni l'échauffe ; cette race indestructible et destructive, dont le sang est froid comme celui de la
vipère et du crapaud, voit clairement les trois taches du soleil et n'a jamais remarqué ses rayons ; elle va droit
à tous les défauts ; elle pullule sans fin dans les blessures mêmes qu'elle a faites, dans le sang et les larmes
qu'elle a fait couler ; toujours mordante et jamais mordue, elle est à l'abri des coups par sa ténuité, son [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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